Les nocturlabes

Petit nocturlabe monté en pendentif
(Source : Wikimedia Commons – Auteur : Michael Daly – Fichier : Nocturnal (instrument).jpg – Domaine public)

Le nocturlabe est un autre « instrument de mesure du temps par les astres », comme les sont les cadrans solaires ou les astrolabes. A l’inverse des astrolabes, il a une fonction essentielle : indiquer l’heure grâce à la position des étoiles dans le ciel nocturne et est d’ailleurs quelquefois également appelé « cadran aux étoiles ». Il est cependant basé sur un constat similaire à celui ayant conduit à la conception des astrolabes : la nuit, les étoiles semblent tourner régulièrement autour d’un point fixe dans le ciel, le pôle céleste…

Le mouvement circulaire des étoiles autour du pôle céleste mise en valeur par une photo en mode pose
(photo Bernard Baudoux)

On ne sait pas quand il a été inventé, ni par qui. L’écrit le plus ancien qui fait référence à un instrument de ce type a été rédigé par Gerbert d’Aurillac, plus connu sous le nom de Sylvestre III ou encore pape de l’an mil. D’autres écrits viendront plus tard comme ceux de Ramon Llull, et, plus tard encore de Michel Coignet. Il aurait été utilisé par des marins du XVIe au XVIIIe siècle, les progrès de la mécanique horlogère le rendirent ensuite obsolète. On peut en trouver aujourd’hui dans des musées comme le Musée National de la Marine à Paris.

Un nocturlabe est composé au moins des éléments suivants (il peut y en avoir plus) :

  • un disque avec le calendrier annuel (calendrier civil ou astrologique),
  • un disque avec les heures (souvent en 2 fois 12 heures),
  • un index appelé alidade qui servira de viseur comme nous le verrons plus loin.

Ces trois éléments sont chacun percé d’un trou de même diamètre qui seront placés de manière concentrique. Le disque des dates est fixe, celui des heures et l’alidade pivotent autour du centre des trous. Le disque des heures a de petits index à chaque heure pleine (4 h, 5 h, 6 h, etc.), et un plus grand sur le minuit (un des deux 12).

Les éléments composants un nocturlabe
(Illustration Bernard Baudoux)

L’instrument est souvent calibré pour un usage avec les « gardes » de la Grande Ourse, les deux étoiles extérieures du quadrilatère de la constellation. Elles ont la particularité d’être presque alignées avec l’étoile polaire. Cette dernière sera considérée comme située au pôle céleste (l’écart n’est que de 0,75°). Pour un usage avec ces étoiles, le 6 septembre du disque des dates sera dirigé vers le bas. Cette date correspond au jour où les gardes passent au méridien inférieur à minuit. D’autres instruments sont conçus pour un usage avec β de la Petite Ourse (Kochab), ou encore α de Cassiopée (beaucoup plus rare).

Les « gardes » de la Grande Ourse et Kocab de la Petite Ourse
(illustration Commission des Cadrans Soalires)

Pour utiliser un nocturlabe :

  • on commence à placer l’index de minuit sur la date du jour (du disque des dates),
  • on vise avec un œil l’étoile polaire, et on vient placer l’instrument perpendiculairement à la ligne de visée de manière à voir l’étoile au centre du trou et la date de référence (le 6 septembre) vers le bas,
  • on fait alors pivoter l’alidade jusqu’à ce qu’elle coïncide en visée avec les gardes ; l’intersection de l’alidade avec le disque des heures indique l’heure de la mesure. On remarque qu’une des arêtes de l’alidade se prolonge vers le centre du trou : c’est cette arête qu’il faut utiliser pour la visée et la mesure.

Le rôle des petits index sur les heures pleines est de pouvoir compter les heures au toucher avec un doigt (n’oublions pas que nous travaillons la nuit, c’est-à-dire dans le noir), le grand index de minuit servant de repère.  Le positionnement de ce dernier sur la date du jour ayant été réalisé au préalable quand il fait encore clair.

Un triangle noir sur le manche (un élément supplémentaire qui peut constituer le nocturlabe) pointe vers la date de référence (le 6 septembre), date que l’on garde vers le bas pendant l’usage de l’instrument.

Quelqu’un un peu attentif à ce qui précède objectera que l’heure donnée par un tel procédé n’est pas la même que celle donnée par un cadran solaire. Effectivement, si le dernier instrument indique, par définition, l’heure solaire, le premier donne une heure sidérale, puisque mesurée par rapport aux étoiles et non au Soleil. Cette dernière heure est plus courte que la première d’environ 3 minutes et 56 secondes. Ceci peut sembler négligeable de prime abord, mais ce retard s’accumule au fil des jours, si bien qu’au bout de 10 jours, il atteint déjà près de 40 minutes, ce qui n’est plus négligeable du tout.

Le nocturlabe a ceci de particulier qu’il convertit automatiquement l’heure sidérale en heure solaire. C’est pour cette raison que l’on place le minuit du disque des heures sur la date du jour : la conversion se fait ainsi mécaniquement : en décalant chaque jour le repère de minuit (puisqu’on le place face à la date du jour), on compense la différence entre les deux échelles de temps.

Un nocturlabe donne une heure avec une précision de l’ordre de 15 minutes.